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LE BONHEUR DU JOUR

Je m’appelle Yves mais tout le monde m’a surnommé Yvon ou, quand je suis en colère, Yvan le Terrible. Il paraît qu’il a existé. Il a même été tsar de Russie. Moi, Yvon, je travaille le bois. J’aime son odeur, son toucher et sa belle allure quand j’en ai fini avec lui. Il faut préciser que je suis ébéniste et heureux de l’être. J’ai la faculté d’exercer un métier où je me réalise pleinement. C’est à la fois une activité et un plaisir. En ce moment, je rénove un  meuble ancien que j’ai déniché dans le grenier poussiéreux de mes parents. C’est un « bonheur du jour », petit secrétaire destiné à la correspondance. Cela fait maintenant près de trois semaines que je remets à neuf ce ravissant petit meuble. Il est réjouissant de voir réapparaître les nervures du bois et de percevoir son odeur. Je laisse un moment planer mes pensées et lève les yeux. Par la fenêtre ouverte, me parviennent le gazouillis des oiseaux, la sourde rumeur de la ville et le carillon de Ste Eulalie. Je dois encore
Articles récents

LE CABINET

. LE CABINET C’est un petit endroit appelé cabinet, Le lieu privé de toutes les co mm odités, Où l’on se tient assis lorsqu’on est chagriné, Le petit coin recherché pour l’inti m ité. Ce n’est pas un cabinet de curiosités, Ni l’excellent cabinet m i nistériel, Encore m oins le cabinet de l’indignité, Tout si m ple m ent, c’est le cabinet essentiel. Celui où naît par f ois la m atière de l’écrit, Le fonde m ent m ê m e de la sé m antique, L’e m place m ent pour pousser un cri, Lorsqu’enfin le bon m ot survient, artistique. Le cabinet, depuis Versailles jusqu’à nos jours, S’est m éta m orphosé sans ostentation, Pour voir des objets rares, on fait le détour, Ce sont m es m ots et m es élucubrations.                                        Anne STIEN                                        Octobre 2000

HYPNOSE

Prix Paul Verlaine Juin 2011 Dort mon jardin secret, la mémoire encor vive,    Un souffle me conduit, je remonte le temps, Lors de mes jeunes ans, en saison de printemps, Je flâne près de l’eau, en restant sur la rive, Un orage survient, je me sens si craintive, Mon cœur se fait tambour, chamade en contretemps, Je chute dans le lac, étrange passe-temps, Un quidam maussade déambule en coursive. Je me noie en ces eaux, fatales inerties, L’image du bonheur s’imprime en facéties, Frôlement du néant troublé par maints appels, Sauveur de nulle part, ange tant bienvenu, L’homme s’en est allé, demeurant inconnu, Parfois certaines nuits, je rêve aux archipels. Anne STIEN    

ARANEA

Un soir d’hiver, alors que la pluie semblait ne jamais vouloir s’arrêter, je ressentis soudain l'envie de feuilleter les albums photos de ma petite enfance.  Je me posais mentalement mille questions en tenant dans mes mains fébriles les portraits de famille du temps passé. Sur l'un des clichés jaunis, ma famille posait pour le photographe. Sans doute était-elle réunie pour célébrer une fête, un anniversaire, une naissance ou bien l'acquisition de l'immeuble se situant au 19 de l'avenue Junot. Le quartier assez populaire   à l'époque, s'était petit à petit embourgeoisé. Les loyers avaient triplé. Montmartre regorgeait de touristes. Les vendanges de la Butte avaient encore le soutien des petites gens fidèles à cette tradition. La bonne question était régulièrement posée : cela en valait-il la peine ? Assurément, répondait la majorité des habitants du quartier. Au cœur de l’immeuble, il y avait l’arbre. Celui de mon enfance, à l’ombre duquel je jouais à

LE SAMOVAR

Autour de moi s’alanguissaient quelques femmes oisives, seulement préoccupées de leur toilette et du bridge de fin d’après-midi. Ma mère, de nature exubérante, riait très fort en renversant la gorge et faisait des mines derrière son éventail. Ses bracelets dansaient sur ses avant-bras. Ces dames formaient une petite communauté féminine composée de membres issus du même milieu social. Cela aurait été très mal vu de fréquenter en dessous de sa condition. Aussi les cercles amicaux étaient-ils très fermés. Ce n’était que bavardages, médisances et rivalités de train de vie. On n’avait de cesse d’exhiber la robe dernier cri ou le chapeau tendance. Lors de ces après-midi moites et intimes, je me livrais à une observation méticuleuse du comportement des joueuses. Elles complotaient à qui mieux mieux contre l’équipe adverse et s’acharnaient à gagner la partie comme si l’enjeu était d’une importance capitale. Elles avaient convenu depuis l’origine que les perdantes offriraient l’

DUNES NOIRES

La route étroite et longue traversait le pays des dunes. Les dunes noires... Je m'étais toujours demandé pour quelle raison ces monts de sable doré avaient pris ce nom. Lorsque le soleil brillait dans un ciel vierge de tout nuage, les pentes douces se paraient de pierres précieuses et renvoyaient les rayons solaires avec mille reflets chatoyants. Mon regard se perdit très loin, là où l'azur rejoint la mer en une courbe parfaite. Mes pensées vagabondaient en toute liberté. La mer aux liserés d'écume blanche, s'échouait sur le sable lisse en soupirant inlassablement. Je m'interrogeais sur le sort immuable de l'humanité. Nous venons au monde, nous grandissons puis vieillissons et enfin nous mourons. Une fois encore, je tentais de trouver un sens à tout cela. J'avais beau retourner le problème de tous les côtés, aucune issue de secours ne se mit à clignoter. Je baignais dans une sorte de torpeur mélancolique. Je franchis un portillon au pied d'une dune

LA DISGRÄCE

Publié le  2 août 2011  par ANNE Lorsque je poussai la porte de l’immeuble, ma respiration se bloqua. Je me dirigeai à tâtons vers l’ascenseur, ne sachant pas où se trouvait l’interrupteur. C’est bien de moi, pensai-je en pénétrant dans l’étroite cabine. J’appuyai au hasard sur l’étage désiré. Moi qui n’aimais que la lumière, j’avais envie de faire demi-tour. Nécessité faisant loi, je continuai mon chemin de croix. J’aurais voulu être à cent lieues d’ici. Le couloir du 6 ème  étage ne ressemblait à rien. Des portes fermées, quelques plaques ternies, le plancher grinçant, un éclairage glauque. Des relents de cuisine flottaient dans l’air croupi. Etait-ce bien là, ce rendez-vous mystérieux ? J’avais dû me tromper ! Ayant passé en revue toutes les portes, je remarquai enfin l’une d’elles, plus discrète que les autres. On pouvait, en écarquillant les yeux, y lire sur un bristol, des initiales en lettres majuscules, puis la mention « sonnez et entrez ». J’arrangeai machinaleme